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journal d'une postroduction

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𝐄𝐉𝐄𝐂𝐓 - 𝐏𝐨𝐬𝐭𝐏𝐫𝐨𝐝𝐮𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐉+𝟏𝟒𝟎

"Un long silence ... un trop long silence ... cela arrive parfois quand nous traversons une phase de repliement ... d'anxiété ... ce projet ne m'aura rien épargné ... vraiment rien en pénibilités de toutes sortes ... le montage image terminé, réduit à 108 minutes, me permettait donc d'exporter le film dans un format d'images adapté au futur DCP, c'est-à-dire le format de fichier de projection numérique en salle de cinéma ... à partir de ces exports étalonnés avec quelques VFX appliqués, je pouvais m'investir dans le son, le sound design, et le mixage final en 5.1, et améliorer quelques plans (denoiser notamment) mais aussi enlever quelques secondes par ci par-là ... c'était la dernière phase ... jouissive ... d'amélioration d'un film dont j'avais, enfin, une vision globale ...

Je loue l'avènement du numérique qui permet, aujourd'hui, avec un faible budget, de faire des films ... ce n'est plus l'exclusivité de productions à plusieurs millions d'euros ... EJECT, film "sauvage" s'il en est, fait partie de ce "dogme" d'un cinéma très indépendant. Mais, le numérique a ce travers, bien souvent inexplicable, du bug informatique ... je le crains toujours ... même si la peur, comme le veut l'adage populaire, n'évite pas le danger ... et arriva ce que je ne voulais surtout pas qu'il arrive après des mois et des centaines d'heures de travail : un matin, alors que la veille j'avais monté tout à fait normalement, faisant mes premiers exports, un matin donc, j'ouvre le projet dans mon logiciel de montage et ... il ne s'ouvre pas !!!!! ... redémarrage de la machine, puis du programme, puis chargement du projet ... rien !!!! et même pire : aucun message indiquant d'où pouvait venir le souci ... blocage du chargement à 69% ... je vous passe les heures, les nuits d'angoisse qui suivirent, les recherches de solution (je m'y connais assez en galère informatique pour savoir tout ce que l'on peut tenter) ... consultations alors de forums où je découvre ce fameux spectre des 69% ... je ne suis donc pas tout seul ... la belle affaire ... et je n'ai exporté qu'environ 60 minutes du film !!!! va-t-il falloir refaire le montage des quasiment 60 minutes restantes ?!!!! je n'ose l'imaginer ... je n'ose l'envisager ... quand je pense au montage millimétré des 30 dernières minutes ... je suis abattu ... sans solution ... le seul ancien projet se chargeant sans souci ne contient que 1h10 de film ... la bonne nouvelle est que tout ne serait pas à refaire ... mais bordel ... cette dernière partie, tellement intense, dense, précise ... elle répond à une intuition d'un moment qui ne sera plus celle du moment où je remonterais cette partie ... alors ... quand tout semble perdu ... il faut ... se calmer, reprendre ses esprits ... je me dis qu'il y a peut-être quelque chose que n'ai pas tenté ... je sais que les fichiers projets ne sont pas corrompus ... alors pourquoi ne se chargent-ils pas ?!!! ... se mettre dans la position de l'œuf et laisser une autre inspiration vous envahir, celle de la technique pure et dure ... sorte de méditation technologique ... "Et si tu créais un nouveau projet dans lequel tu importais ton projet ?" ... ça se fait pas normalement ... et si d'un seul coup ça se faisait ? Je n'ai rien à perdre ... alors j'y vais ... le projet commence à se charger dans ce nouveau projet et à 69% ... l'import se bloque ... j'attends car cette fois le voyant d'activité du disque SSD continue de clignoter ... et d'un coup, le projet apparait !!!!! Je revenais de très loin ... d'une dimension parallèle où des gremlins envahissent les composants électroniques des machines dans un seul et unique but : vous faire chier ! Les exports furent fastidieux, mais ils se firent, car tout plantait après trois exports maximum ... et il fallait chaque fois redémarrer la machine, le programme, le projet ... mais voilà aujourd'hui, tout le film a été exporté ... je peux donc m'attaquer au son !!!!!

J'aime le numérique et ses possibilités infinies mais, à l'époque de l'argentique, quand tu ouvrais ta boite métallique, la bobine de film était toujours à l'intérieur !!!!!

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𝐄𝐉𝐄𝐂𝐓- 𝟏𝟑𝟐𝐞 𝐣𝐨𝐮𝐫 𝐝𝐞 𝐏𝐨𝐬𝐭-𝐏𝐫𝐨𝐝𝐮𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧

"Il est comme une difficulté intérieure de s'éloigner d'une obsession quotidienne ... quand reviennent en soi des phrases entendues, lues et relues dans des films vus et revus ... tous les jours se trouver confronté aux expériences cinématographiques qui s'interrogeaient davantage sur la manière dont une histoire devait se raconter que sur l'histoire elle-même à raconter ... souvenez-vous, et si vous n'avez pas le souvenir, fabriquez-vous le en regardant Le Mépris (1963) de Godard et cette idée d'un générique de début vocal sur la fabuleuse partition de Georges Delerue et qui se termine ainsi : "Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s'accorde à nos désirs ..." jusqu'à prolonger ce monde en moi avec ces mots d'Emmanuelle Riva dans Hiroshima Mon Amour (1959) d'Alain Resnais : "Il faut éviter de penser à ces difficultés que présente le monde quelquefois. Sans ça, il deviendrait tout à fait irrespirable." - et voir ainsi en quoi ce monde qui s'accorde à nos désirs chez Godard permet, sinon d'oublier, tout au moins de repousser l'irrespirabilité des difficultés du monde réel chez Resnais/Duras ... rendez-vous compte, 1959 ... des films à jamais entrés dans l'histoire (on y revient) du cinéma : Les 400 coups, Hiroshima mon amour, Pickpocket !!!! - Truffaut, Resnais, Bresson ... à une époque où une écrivaine, Marguerite Duras savait, et pour cause, la différence entre littérature et cinéma, écrivant le scénario de Hiroshima qui, par la suite, sera publié comme s'il s'agissait d'un roman ... alors que j'ai cette désagréable impression qu'aujourd'hui, la plupart des auteurs et des autrices écrivent des scénarios et non plus des romans avec l'espoir qu'ils seront adaptés pour le grand ou le petit écran (deviendra grand ?) ... le style littéraire, comme le style cinématographique, ayant fait un pas de géant en arrière ... mais sans doute est-ce aussi cela l'avenir d'un art si jeune qu'est le cinéma : c'est à force d'allers-retours qu'il finira peut-être par avancer ..."

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𝐄𝐉𝐄𝐂𝐓 - 𝐏𝐨𝐬𝐭𝐏𝐫𝐨𝐝𝐮𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐉+𝟏𝟑𝟎

"Etrangeté des chiffres ... et des hommes et des femmes eux/elles aussi chiffré(e)s, cryptées ... nos reliques intérieures indescriptibles aux accents, parfois, souvent, beaucoup, trop ... beaucoup trop souvent, de destruction ... perdue la carte de notre décodeur ... heureusement qu'elle se métamorphose, cette destruction, en réflexion créative qui permet, à la pauvre créature que je suis, de s'arroger les droits du créateur ... quelle prétention à revendiquer cette définition : "l'art est l'œuvre d'inscrire un dogme dans un symbole" ... pourquoi pas ... à chacun sa perception dès lors que l'action dépasse le simple plaisir que l'on y prend ... cette 130e page d'un jour-nal sur un travail de postproduction, c'est-à-dire là où le film commence vraiment son existence cinématographique, n'est qu'un début alors qu'il est habituellement perçu comme une fin ... en soi .. erreur. Erreur de s'arrêter au verbe car au début n'était pas le verbe, au début était l'émotion ... au 130e jour, cette version "finale", identique à une lutte, a gagné un pari avec ou contre moi ... de 135 mn le film est passé à 115 mn ... sous la barre des 120 et je pense que je peux trouver 5 mn dans la première moitié du film où deux séquences me semblent trop longues, et sur la fusion desquelles je dois réfléchir ... partie très excitante ... le film devient un long métrage qui dépasse l'imagination exprimée par son scénario ... j'avais déjà écrit que "faire un film, c'est s'amputer d'une partie de soi-même pour, à la fin, tout reconstituer.", une reconstitution à l'image (près?) identique au revolver encore tiède retrouvé sur le lieu de mon crime ... je suis le tueur d'un scénario qui perpétue son forfait à travers la cause d'un film innocenté par des témoins qui ne l'ont pas encore vus ... c'est vous dire si j'ai besoin d'acquittements !"

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