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journal d'une postroduction

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𝐄𝐉𝐄𝐂𝐓 - 𝐏𝐨𝐬𝐭𝐩𝐫𝐨𝐝𝐮𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐉+𝟏𝟗𝟒

"Moment à la fois attendu et redouté ... attendu justement parce que redouté ... évoquer cet instant-là sans trop délivrer d'informations sur le film ... la bande-annonce ne pourra l'occulter puisque ces inscriptions sur les murs d'une pièce abandonnée sont une donnée essentielle d'EJECT ... je me souviens de cette phrase que j'avais écrite à l'époque où je produisais des K7 audio d'une musique radicale, sans concession : "C'est de l'observation que procède l'inévitable condamnation de l'observé". Mais qui est l'observé et qui est l'observateur ? ... A tour de rôle. Drôle de tour. Un réalisateur est un voyeur ("c'est un joli métier" dit Alex à Anna dans Mauvais Sang) donc un observateur privilégié ... il recycle sans cesse son regard qu'il met au service de ses projets cinématographiques. Je n'avais pas mesurer à quel point cet élément du long métrage produirait une atmosphère des plus intrigantes, inquiétantes ... les plans de ces séquences prennent une dimension que ni l'écriture du scénario, ni le storyboard ni même le tournage n'avait pu esquisser ... chaque jour le film révèle sa propre énigme, et se révélant ainsi, révélera également au public l'imbrication des pièces de ce puzzle ... il ne lui restera plus qu'à poser la dernière."

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𝐄𝐉𝐄𝐂𝐓 - 𝐏𝐨𝐬𝐭𝐏𝐫𝐨𝐝𝐮𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐉+𝟏𝟗𝟎

"S'interroger sur le temps au cinéma ... comme à celui de la postproduction ... EJECT est un film où le temps semble mis en abîme dans son propre anachronisme ... plusieurs époques qui se chevauchent en un montage parallèle qui, comme le veut sa théorie (cf Griffith - 1915), finissent par se rejoindre tout en conservant une distance temporelle (ça c'est la théorie d'EJECT) ... et pourtant il ne s'agit pas d'un film de science-fiction, loin de là ou, hélas, bien au contraire ... il est directement en prise avec la réalité mais avec le recul d'une narration cinématographique non-linéaire justifiée par le fait qu'il joue sur la mémoire ... enquête sur une mémoire au-dessus de tout soupçon ? (petit clin d'oeil à Mauvais Sang et au documentaire "Enquête sur un film au-dessus de tout soupçon") ... il faut d'ailleurs beaucoup de soupçons à sa propre encontre pour servir le film le plus humblement du monde ... une sorte d'effacement de soi pour devenir l'exécutant d'un long métrage qui devient une loi intime au-dessus de sa propre loi intime ... on ne fait pas de film sans accepter de briser nos barricades ... sous les pavés la plage (dynamique) du capteur (oulala, seuls les techniciens comprendront ce jeu de mots - mille excuses pour les autres lectrices et lecteurs) - alors ce temps ... repenser aussi à Tarkovski et à son "temps scellé" ... comment alors supporter la logique, le conformisme narratif imposé aujourd'hui par la trop grande majorité des films ... le temps, c'est la liberté, c'est se reconnaitre en condamné à mort comme dans un film de Dryer pour s'échapper comme dans un film de Bresson ... c'est offrir à vous tous et toutes la lueur cinématographique qui brille au fond de mes yeux ... cette pulsion de vie ... c'est un cheminement, une sagesse que vous ne trouverez que dans la solitude des instants de création nécessaires à l'existence et aux conséquences d'un acte cinématographique. Ne pas comprendre cela c'est faire du cinéma et non du cinématographe, ce qui n'est pas et ne sera jamais mon monde."

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𝐄𝐉𝐄𝐂𝐓 - 𝐏𝐨𝐬𝐭𝐏𝐫𝐨𝐝 𝐉+𝟏𝟖𝟑

"Faire EJECT c'est, comme le personnage masculin principal du film, mener une enquête ... mais ici, dans cette phase de travail, une enquête sur la création ... sur soi ... sur soi-même dans la création ... un peu comme Duras qui, dans ses romans, donne toujours l'impression d'interroger la littérature ... EJECT (et mes précédents films) me permet d'interroger le cinéma ... beaucoup penseront que c'est une posture intellectuelle, qu'un film c'est plus simple que ça ... un simple film oui ... mais je sais aussi qu'EJECT ne sera ni un film juste, ni juste un film ... et que sa complexité est également une mise en abîme de la complexité du sujet qu'il traite ... il est habité par autre chose ... par l'âme de ces réalisateurs disparus qui m'ont constitué au cinéma et vis à vis desquels je n'aurais jamais suffisamment de talent pour ne pas les remercier de m'avoir montré une voie d'exploration ... une enquête ici sur l'abnégation qu'exige cette exploration ... au risque de se perdre de vue ... soi-même encore et ... les autres ... pour vous, pour celles et ceux qui auront eu l'impression d'être "gaspillés" à cause d'EJECT, j'espère que le film sera la plus belle et la plus sincère excuse que je vous présenterai ... pardonnez-moi car je ne sais pas ce que je fais ... vraiment ... pour élaborer EJECT il ne faut pas, en effet, chercher à savoir ce que l'on fait ... pour respecter ce terrible contrat que l'on passe avec la recherche d'une vérité qui serait l'intime conviction d'œuvrer pour un cinéma qui ne répéterait pas les conventions des films produits dans des environnements financiers confortables ... je garderai à jamais le qualificatif de "film sauvage" car EJECT devra, lui aussi, tracer son chemin à coups de machette dans la jungle du cinéma ... comme cela est dit dans le film : "faire un film c'est une manière de dire aux autres qu'on les aime ..." alors merci de vous reconnaitre dans cette affirmation ... et de vous sentir aimé dans la mesure ou la démesure de l'amour que je porte au cinéma."

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